Coupe du Monde - Billet : De l'ombre à la lumière

Le moment de briller, le slogan de la Coupe qui débute ce vendredi, est le reflet d'une pratique à un nouveau tournant de son histoire.



Longtemps dans l'ombre du football pratiqué par les hommes, les femmes doivent encore et toujours convaincre que le football n'est pas unisexe. Non, il n'y a pas que les hommes qui ont le droit de courir derrière un ballon, jouer collectivement, marquer des buts en frappant dans le cuir.

Au prix d'arguments d'inélégance, de pseudo raisons médicales, tout a été avancé par les détracteurs et aujourd'hui encore, malgré l'évolution des mentalités, il faudra s'attendre à des remarques sexistes et des comparaisons avec leurs homologues masculins.

Ces comparaisons qui n'ont pas lieu d'être, sont celles de personnes qui font de la pratique masculine du football la référence. "Le jeu va moins vite"..."Ce n'est pas un sport féminin"..."Les gardiennes sont trop petites"... on pourrait encore en citer des dizaines mais derrière ces quelques mots, une analogie est faite entre les hommes et les femmes. Or, chacun a le droit de pratiquer son sport comme il l'entend et les femmes ont bien des arguments pour mettre en valeur le football. Fluidité, technique, état d'esprit et enthousiasme, elles ont su montrer que le football était un sport mixte sans vouloir chercher les comparaisons.

Tous au diapason

Cette Coupe du Monde qui va se dérouler pendant un mois en France est une mise en lumière exceptionnelle. Tous les projecteurs seront tournés vers la France. Neuf stades, 24 équipes, 52 matchs, des centaines de médias accrédités, près d'un million de billets déjà vendus... La réalité est bien là, les femmes ont leur place dans le football et une chance inouïe leur est donnée de l'exprimer.

C'est un long combat qui ne cesse de durer depuis des années. Quelques lueurs entrevues en France après la Coupe du Monde 2011 avec l'augmentation des diffusions télévisuelles, un plan fédéral de développement, des instances européennes et mondiales qui n'ont plus fait du football au féminin le dernier des sujets. Aujourd'hui la femme a sa place dans le football et ce n'est que justice.

Pour autant, lorsque j'ai commencé à suivre le football au féminin il y a près de 20 ans, nous étions à des années-lumières de toutes ces espérances. Quelques matchs télévisés, aucune communication sur la sélection, celle-ci n'attirait pas la moindre attention, même après avoir disputé deux championnats d'Europe (1997, 2001). L'éclaircie avec le match de qualification à Saint-Etienne et la participation à la Coupe du Monde 2003 ne changea alors guère les choses. Dans un ciel toujours nuageux, il était encore difficile de percer.

Les résultats, un titre... on demandait à la France d'aller au bout d'une compétition pour lui donner plus de visibilité, de reconnaissance et de moyens. Le raisonnement n'aurait-il pas dû être inverser ? Accompagner, former pour prendre le train en marche d'une pratique qui a toutes sa place.


Pour cette compétition en France, tout le monde se met au diapason. Des diffuseurs TV, des médias écrits, radiophoniques, les annonceurs, chacun apporte sa contribution. Mais bien plus que la promotion d'un mois, il faut que cela se démocratise de manière durable. Le public a aussi son mot à dire et l'impact populaire sera révélateur.

Hommes-femmes, même passion, mais pas les mêmes droits ?

Quelques sujets de comparaison ont encore fait débat. Le château de Clairefontaine libéré par les Bleues au profit des Bleus, les montants des primes dix fois inférieur pour les joueuses par rapport à leurs homologues masculins. On pourrait y ajouter l'absence de camp de base à la Coupe du Monde qui débute ce jour contrairement à celle de Russie l'été dernier, les sommes attribués aux sélections en fonction de leur parcours elles aussi inférieures.
C'est un autre débat bien plus large que le football qui s'ouvre. Celui de l'économie. Le football pratiqué par les hommes a atteint de telles sommets qu'aujourd'hui, les montants ne veulent parfois plus rien dire. Pour autant, les inégalités entre les sexes sont bien réelles et sociétales. A travail égal aujourd'hui, les femmes n'ont pas les mêmes revenus. Il faut continuer à lutter contre cela, faire en sorte que toutes soient être humain soit valorisé équitablement.

Un combat âpre que la première ballon d'Or Ada Hegerberg a décidé de mener contre sa fédération au détriment de son parcours personnel. La Norvégienne qui ne disputera pas la Coupe du Monde en France, est un exemple, un modèle. Son acharnement doit continuer à faire prendre conscience des réalités du sport féminin.

Souhaitons que les prises de parole, les effets de la Coupe du Monde, mettront suffisamment en lumière les actrices de ce spectacle qui s'ouvre au Parc des Princes. Mesdames, c'est à vous.


Vendredi 7 Juin 2019
Sebastien Duret