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Jean-Michel BÉNÉZET : "J'impulse la politique technique de la FIFA"

Missionnaire, globe-trotter, expert international, conseiller technique... difficile de définir le profil extrêmement qualifié de Jean-Michel Bénézet autrement qu'en employant des termes qui évoquent la compétence, le voyage, le haut niveau, la transmission des connaissances... A 57 ans, ce proche de Michel Platini est devenu, au mérite, le très respecté directeur technique de la FIFA en charge du développement et de la formation dans le monde entier. Nous l'avons intercepté à sa descente d'avion à Toulouse, son port d'attache, avant qu'il en reprenne un pour l'Afrique, d'autres pour les Caraïbes, puis l'Asie et le Moyen-Orient. Son éloquence nous entraîne au-delà des océans au contact des plus grands entraîneurs de la planète. (par Johan Cruyff)



Lors d'un symposium à Francfort en octobre 2008
Lors d'un symposium à Francfort en octobre 2008
Monsieur Bénézet, en quelle année êtes-vous entré à la FIFA ?
J'ai effectué ma première mission en 1987 au Cameroun après avoir été nommé instructeur alors que la FIFA, qui lançait son programme de développement à travers le monde, se tournait vers les fédérations majeures pour recruter. C'est Michel Hidalgo, le DTN, qui avait proposé mon nom. Après le Cameroun, je suis allé en Centre Afrique et au Bénin. C'est là, en découvrant l'Afrique, que je me suis juré, non seulement de revenir y travailler, mais aussi d'y vivre un jour.

Ce ne fut pourtant pas pour tout de suite ?
De 1992 à 1996, j'ai été DTN de l'Ile Maurice tout en continuant mes missions régulières pour la FIFA. Et en 1996, le ministère a créé un poste d'instructeur itinérant pour lequel j'ai postulé. Je me suis alors installé en Côte d'Ivoire pendant cinq ans, puis au Sénégal pendant quatre ans. A partir de là, j'ai rayonné un peu partout dans le monde entier jusqu'à ce que la FIFA, dans le sillage de Sepp Blatter et Michel Platini, crée de nouveaux programmes de développement en 2002 et m'embauche à plein temps en tant que conseiller technique sur le terrain, c'est à dire dans tous les pays affiliées. Il y en a près de 150, je les connais presque tous.

"Il y a quatre ans le secrétaire de la FIFA, Jérôme Valcke, m'a demandé de lui présenter un projet technique pour le développement du football en Afrique..."

Et aujourd'hui, quel est votre rôle au sein de la FIFA ?
Il y a quatre ans, le secrétaire de la FIFA, Jérôme Valcke, m'a demandé de lui présenter un projet technique pour le développement du football en Afrique. Je suis donc intervenu dans la formation des entraîneurs et l'encadrement des équipes nationales. Dans ce cadre là, j'ai notamment dirigé l'équipe nationale du Congo pour les qualifications à la Coupe du Monde 1998... que nous avons manqué d'un petit point au bénéfice de l'Afrique du Sud. J'ai aussi entraîné les sélections de Madagascar, de Maurice et les 17 ans du Burkina Faso avec lesquels nous avons terminé troisièmes des championnats du monde. Aujourd'hui, j'impulse la politique technique de la FIFA, les actions à mener dans toutes les formes de football de la base à l'élite.

A part à vos débuts, vous n'êtes jamais revenu dans un club. Etait-ce un souhait ? Est-ce un regret ?
Disons que pour une multitude de raisons liées à des choix de vie, je n'ai jamais cherché à approfondir vraiment les contacts que j'ai pu avoir. Mais j'espère vraiment que cela se fera un jour. J'aurai un gros regret si je n'ai pas eu l'occasion de travailler dans un club quand j'arrêterai tout. Mais pas comme entraîneur, il y a un temps pour tout. Je ne me vois pas être au quotidien sur le terrain avec une équipe, plutôt dans un rôle de directeur sportif, de manager avec un rôle élargi pour pouvoir exploiter tous les contacts internationaux que j'ai pu établir au hasard de mes missions. Lorsqu'André Labatut était président du Toulouse FC, il m'avait proposé le poste de directeur technique avec Alain Giresse comme entraîneur.

Vous avez certainement bien fait de refuser car quelques mois après le club était en liquidation judiciaire !
Je suis un instinctif et lorsque je ne sens pas un potentiel d'évolution ou de progression intéressant, je préfère m'abstenir. En plus, j'ai toujours eu la chance d'avoir un emploi, donc d'avoir le choix. Je connais trop la difficulté du métier d'entraîneur. Certains n'ont pas le choix...

Au Nicaragua en juin 2009... Jean-Michel Bénézet (à droite) est la voix de la FIFA
Au Nicaragua en juin 2009... Jean-Michel Bénézet (à droite) est la voix de la FIFA
Depuis plus de vingt ans vous parcourrez le monde tel un missionnaire du football. D'où vous vient ce goût de transmettre, de voyager ?
J'ai toujours été passionné de football. J'ai toujours réfléchi aux problèmes posés par ce sport. Joueur, j'étais souvent capitaine car j'avais en moi une âme de leader. Comme j'étais aussi enseignant, cela m'a vite donné des facilités pédagogiques pour transmettre. Ces dix années d'enseignement m'ont beaucoup aidé. Transmettre, c'est un métier, que ce soit du football ou pour perpétuer l'oeuvre de Baudelaire, la forme est souvent la même.

En terme d'emploi du temps, à quoi ressemble le mois type du directeur technique de la FIFA que vous êtes ?
Depuis Zurich (siège de la FIFA, ndlr), où j'ai participé à une réunion de travail avec Beckenbauer, Butragueno, Milla... sur l'avenir du football - le thème était de se demander s'il ne serait pas pertinent de proposer un remplaçant supplémentaire dans les tournois internationaux - il m'est arrivé de rentrer à Toulouse, et de repartir pour le Nigéria quelques jours après, puis à Trinité et Tobago où une réunion m'attendait avec tous les pays des Caraïbes pour la mise en place d'une direction technique nationale. De là, direction l'Océanie, en Nouvelle-Zélande pour faire la même chose et, en plus, poser les bases d'une future ligue professionnelle que nous voulions créer. J'irai ensuite en Chine car nous y avons lancé un programme de formation de base dans les écoles. On souhaite toucher trois millions d'enfants d'ici deux ans et créer également une ligue professionnelle. Je suis aussi intervenu dans la foulée à Abou Dabi pour assister au championnat du monde des clubs et encadrer un stage de recyclage des entraîneurs de haut niveau du Golfe.

"Je suis un missionnaire du football qui a la chance d'avoir les budgets nécessaires à la mise en place de tous ces projets."

En 2006 au Cameroun, lors d'un forum sur la relance du football camerounais
En 2006 au Cameroun, lors d'un forum sur la relance du football camerounais
Un véritable missionnaire du football...
Qui a la chance d'avoir les budgets nécessaires à la mise en place de tous ces projets.

Vous sillonnez le monde à longueur d'année... avec une préférence pour l'Afrique. Pourquoi ?
Lorsque je m'y suis rendu la première fois, j'ai eu un choc en voyant ces gens si humbles et si accueillants vivre dans des conditions pourtant très difficiles. Le contraste est saisissant avec la France et l'Europe, où on se plaint en permanence alors que nous avons tout. J'ai pris une leçon de vie. En plus, les Africains sont des footballeurs dans l'âme. Le foot, c'est leur vie. Ils sont très réceptifs et demandeurs quand on leur propose des choses. J'aime tout en Afrique : les gens, la musique, le style de vie, les relations humaines. Nous allons de plus en plus en Asie depuis quelque temps car le potentiel est également énorme, c'est différent mais très intéressant aussi. La Chine est en plein développement. Les Chinois aiment le foot. C'est passionnant !

Au milieu de tous ces déplacements, quels rapports entretenez-vous avec votre région d'origine, avec Toulouse ?
Aujourd'hui, les moyens modernes de communication me permettent de suivre tout ce qui se passe dans la région, de regarder en premier, où que je sois dans le Monde, les résultats du TFC et de quelques clubs du coin, dont Blagnac, où ma femme et ma fille résident. Je dis tout le temps que si le Monde est mon pays, Toulouse est ma ville. J'ai toujours des contacts avec la Ligue du Midi, avec le TFC, que je suis allé voir récemment et où j'ai retrouvé avec plaisir Jean-François Soucasse et Anthony Bancarel que j'avais comme joueurs en sélections de jeunes. Les relations sont restées, le respect est le même. Je suis heureux de constater que ce sont des gens qui redonnent quelque chose au football. Je me dis que je leur ai peut-être inculqué cette idée que le football ne se limitait pas à taper dans un ballon.

"J'ai en moi cette idée qui me titille : terminer mon parcours en intégrant un club."

Vous n'avez jamais eu la possibilité de passer pro ?
J'ai joué quelques saisons en D2 à Melun sans être pro. A cette époque, la D2 n'avait rien à voir avec ce que nous connaissons aujourd'hui. Même en D1 un footballeur gagnait nettement moins d'argent. Il était donc compliqué, risqué, de tout laisser en plan pour se consacrer au football. J'avais eu des touches avec Valenciennes, Reims et Rennes mais je n'ai jamais voulu partir à l'aventure car il s'agissait quand même un peu de ça. Mais cela ne m'empêchait pas de vivre le football à fond, en D4, en tant qu'entraîneur-joueur de Saint-Leu-la-Forêt, et de passer mes diplômes d'entraîneur jusqu'au BE2 que j'ai obtenu en 1981. C'est à ce moment-là que le DTN de l'époque, Georges Boulogne, m'a sollicité pour savoir si je ne voulais pas faire partie du contingent de CTD que la FFF mettait en place un peu partout en France.

Et c'est comme ça que vous êtes revenu dans votre région Midi-Pyrénées ?
Oui, dans le Lot, à Cahors, où je suis resté deux ans et où j'ai passé mon 3ème degré puis le DEPF quand il est entré en vigueur (il a terminé major d'une promotion qui comprenait notamment Robert Nouzaret, Guy Stephan, Gernot Rohr... : ndlr). Ensuite, lorsqu'André Riou, le CTR de Midi-Pyrénées, a fait valoir ses droits à la retraite, le président de la Ligue, Georges Favre, m'a demandé si je voulais lui succéder. Nous étions en 1983 et j'allais aussi intégrer dans la foulée la DTN pour m'occuper de la formation des entraîneurs, pour intervenir avec les sélections nationales des 16, 18 et 20 ans et côtoyer en Espoirs toute la génération qui sera championne du monde en 1998. J'ai aussi travaillé avec l'équipe de France A' lorsque Michel Platini était sélectionneur des A. Ma dernière mission m'a menée en finale du tournoi de Toulon avec les Espoirs, génération Létizi, Marlet, Diomède...

Allez-vous vous arrêter un jour de voyager ? Jusqu'à quand pensez-vous continuer votre rôle à la FIFA ?
Je suis en pleine réflexion. En 2010, je termine un cycle de quatre ans, et en règle générale, nos projets courent sur quatre ans. Si je continue, il faudrait que je reparte pour quatre années supplémentaires. J'ai bientôt 60 ans et j'ai conscience que je fais un métier d'égoïste, que ma famille me manque. J'ai en moi cette idée qui me titille : terminer mon parcours en intégrant un club. J'ai quelques contacts en France, en Angleterre, en Italie aussi...

propos recueillis par Johan Cruyff

Jean-Michel Bénézet digest
59 ans
Directeur technique de la FIFA depuis 2005
Parcours :
Joueur : Saint-Martory, US Amicale Paris (CFA), FC Melun (D2), FC Saint-Leu-la-Forêt (D4)
Entraîneur : FC Saint-Leu-la-Forêt (D4), CTD Lot (1979-81), CTR Midi-Pyrénées (1981-92), DTN Ile Maurice (1992-96), Congo, sélection nationale (1996-98), expert International aux affaires étrangères, instructeur FIFA (1998-2002), conseiller technique itinérant FIFA (2002-2006), directeur technique de la FIFA (depuis 2006).
Diplômes : DEPF, ancien professeur des écoles, maîtrise de lettres modernes, DEUG de psychologie.

Houllier, Platini, Keuleyan, Mercier, Hidalgo... Ceux qui l'ont le plus marqué !

Platini, son mentor, Blatter, son patron...
Platini, son mentor, Blatter, son patron...
Comme tous les techniciens du monde, Jean-Michel Bénézet s'est nourri de multiples influences rencontrées au gré de ses non moins multiples voyages à travers la planète foot. Et comme il est impossible de ne pas avoir été marqué par la personnalité hors norme de Robert Keuleyan en ayant grandi dans le Comminges dans les années 60, c'est par l'ancien coach de l'Entente que débute la liste, non exhaustive, de ceux qu'il a croisés et qui l'ont le plus marqué.

"Dans ma jeunesse, Robert Keuleyan m'a enseigné, entre autre, le respect du collectif. Michel Hidalgo m'a appris que le foot pouvait aussi véhiculer des valeurs humaines. Gaby Robert avait trente ans d'avance, Joseph Mercier, que j'ai côtoyé en équipe de France militaire, était une encyclopédie du football à lui tout seul. Gérard Banide était un entraîneur remarquable et Michel Platini un homme extraordinaire qui a réussi tout ce qu'il a entrepris dans sa vie. Je connais aussi très bien Arsène Wenger qui donne une bonne image de l'entraîneur, ou Gérard Houiller, quelqu'un de très brillant. Mais je tiens à dire que je n'ai pas de modèles, uniquement des rencontres enrichissantes. Parmi elles, celles de Carlos Bilardo ou de Maturana, un homme, je dis bien un homme, exceptionnel. Il faut être attentif à toutes ces rencontres et y puiser ses propres sources d'inspiration. On parle souvent de l'âge des entraîneurs mais je crois que la vieillesse a moins à voir avec l'âge qu'avec la perte de la curiosité. Le jour où un entraîneur pense qu'il sait tout, il faut qu'il arrête !"


On le verrait bien boucler la boucle au Toulouse FC...

Et Jean-Michel Bénézet n'est pas près de s'arrêter... Il nous a avoué avoir des contacts avec quelques clubs européens. Son parcours et ses états de service peuvent lui ouvrir toutes les portes, en éminent représentant d'une formation à la française réputée dans le monde entier, mais nous le verrions bien boucler la boucle ici, chez lui, à Toulouse, dans ce TFC qu'il apprécie particulièrement. "Depuis qu'Alain Casanova a repris l'équipe, on sent qu'une véritable identité est en train de naître. Il y a un fil conducteur dans tout ce qu'ils font et c'est suffisamment rare pour être signalé. Casanova a mis sa patte, son empreinte sur le TFC. A un autre degré, Manchester United, le FC Barcelone ou Arsenal sont aussi comme ça. On peut être ou ne pas être d'accord avec ses choix de jeu, le TFC ressemble à son entraîneur. On ne peut pas lui enlever ça et c'est remarquable."

J.C.

Jeudi 11 Novembre 2010
Sébastien Duret

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