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Livre - Marinette PICHON sort son autobiographie, un récit qui dépasse le football

Star à l’aura encore inégalée dans le monde du foot féminin français, la recordwoman de buts en équipe de France Marinette Pichon sort ce 5 avril son autobiographie, « Ne Jamais Rien Lâcher ». Un témoignage passionnant sur son parcours de footballeuse, mais surtout de femme.



Livre - Marinette PICHON sort son autobiographie, un récit qui dépasse le football
De Marinette Pichon, les plus grands passionnés du football féminin connaissent tous ses exploits, son talent, son sens du but. Des qualités qui ont fait de la fille de Brienne-Le-Château la première grande star du football pratiqué par les femmes, et qui lui ont permis de devenir la première joueuse professionnelle française, lors de son départ pour… les Etats-Unis, et Philadelphie. Aujourd’hui, Marinette Pichon, c’est un peu la rock-star de sa discipline. Comme le raconte Brigitte Henriques, vice-présidente de la Fédération Française de Football, dans la préface qu’elle signe pour son ancienne coéquipière en équipe nationale : « A Londres, aux Jeux Olympiques de 2012, je recroise Marinette au Club France. (…) Tout le monde la connaissait, tout le monde la respectait ». Ce qui en dit long sur la grandeur des performances réalisées par l’athlète, surtout à l’époque où le football féminin n’avait de professionnel que les rêves.

De son parcours, on apprend tout dans cette autobiographie de l’ex-attaquante intitulée « Ne jamais rien lâcher », écrite par le journaliste de France Télévision Fabien Levêque, qu’elle considère « comme un frère », à paraître le 5 avril aux Editions First. Mais au-delà des exploits sportifs- d’un tournoi de jeunes où elle marque le but vainqueur en finale contre l’OM à la première qualification de l’équipe de France en Coupe du Monde, en passant par son expérience professionnelle aux Etats-Unis –c’est surtout les remous personnels et les mésaventures de la joueuse qui nous font mesurer son parcours.

« Le ballon, c’était son punching-ball »

Et l’incroyable force de conviction dont elle a dû faire preuve, des années durant, pour sortir des galères. D’où le titre de son autobiographie, accouplé à une citation de l’inénarrable Michael Jordan avant les premières pages : « Si tu abandonnes une fois, cela peut devenir une habitude. N’abandonne jamais ». Il y a son père déjà, qu’elle décrit longtemps comme violent et alcoolique. « Il ne m’a jamais soutenue, il était même insultant quand il avait bu », commence l’Auboise, qui ajoute : « Il ne m’a jamais dit qu’il m’aimait. Il n’a jamais su dire les choses. C’était le néant entre nous ». A l’inverse de la relation qu’elle avait avec sa mère : « Avec elle à mes côtés, je pouvais tout affronter », raconte ainsi celle qui travaille désormais au Conseil départemental de l’Essonne.

Une relation qui lui a coûté quelques déboires sportifs, notamment son éviction temporaire de l’équipe de France au début des années 2000, après qu’elle a refusé une convocation pour aller au chevet de sa mère, sur le point d’être opérée d’un cancer. Ce qui lui vaudra 9 mois de suspension par la commission de discipline, et donc de privation de terrain. Insoutenable pour une joueuse qui explique que b[« le ballon, c’était [s]on punching-ball »,]b pour évacuer cette rage qu’elle avait en elle. Une passion qui a donc aussi valeur de thérapie pour celle qui était jusqu’en juin 2017 directrice générale du FCF Juvisy.

« Oui, il y a de l’homosexualité dans le foot, et alors ? »

Marinette Pichon, qui aimait déjà taper fort du temps de sa carrière, en profite aussi pour évoquer un sujet tabou dans le monde du ballon rond : l’homosexualité. « Une énorme hypocrisie » dans le milieu pour la recordwoman de but en sélection (81 buts), elle-même mariée à l’ancienne joueuse de l’équipe de basket-fauteuil Ingrid Moatti. « Chez les filles, il y a beaucoup de lesbiennes mais personne n’ose en parler », raconte Pichon, qui déclare aussi : « J’ai vu des coéquipières s’inventer des vies, des histoires, des relations avec des hommes ». En plus d’affirmer que les histoires d’amour au sein d’un même vestiaire ne sont pas rares, elle pose la question crument : « Oui, il y a de l’homosexualité dans le foot, et alors ? ».

Une vraie bataille pour celle qui s’est découverte « une âme de militante » de la cause homosexuelle lors des manifestations contre le mariage pour tous. Reconvertie consultante pour France Télévisions depuis octobre 2011 (elle commente notamment les matches de D1 féminine diffusés par les chaînes du groupe public), elle raconte aussi le combat harassant avec sa compagne pour devenir mère d’un petit garçon, au fil de fécondations in vitro longtemps infructueuses et d’allers-retours aussi nombreux que démoralisants en Belgique. Plus qu’un simple retour sur une carrière déjà hors norme, c’est le récit d’un parcours du combattant d’une joueuse pour mener à bien sa vie, que celle qui a aussi été connue pour être devenue la deuxième femme en France à bénéficier d’un congé paternité, nous livre là. Un chemin sinueux mais heureux finalement puisqu’elle se décrit aujourd’hui comme « une femme accomplie ». Et qui n’en a pas fini avec le foot féminin, en témoigne les stages de foot réservés aux filles qu’elle organisera dans la Drôme, début juillet. Et que « les pitchounes », comme elle les appelle, se rassurent : elle a encore mille anecdotes à leur compter.

Mardi 3 Avril 2018
Vincent Roussel