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L'ITW VESTIAIRES - Camille ABILY-Sonia BOMPASTOR : "Joueur, entraîneur… la compétence n'a pas de sexe"

A cent jours des JO, à trois mois avant la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques de Londres, VESTIAIRES a accueilli dans ses locaux Sonia Bompastor et Camille Abily, demi-finalistes de la dernière coupe du monde. Une rencontre sympathique, rafraîchissante, et enrichissante, qui a permis d'évoquer la médiatisation du football féminin, son développement sur le territoire, ses caractéristiques de jeu au plus haut niveau, mais aussi le projet de reconversion de ces deux cadres des Bleues, actuellement sous contrat à l'Olympique Lyonnais. (par Xavier Cerf et Julien Gourbeyre)



Autour de Camille et de Sonia, les Bleues ont le sourire à moins de cent jours des JO !
Autour de Camille et de Sonia, les Bleues ont le sourire à moins de cent jours des JO !
Nous sommes à 100 jours du début des Jeux Olympiques de Londres. Que représente cet événement à vos yeux ?
Sonia BOMPASTOR : ce sera une grande première pour le football féminin français. Il y a donc beaucoup d’excitation, de fierté. C’est quand-même un événement planétaire qui rassemble les plus grands champions ! Et pour en avoir discuté avec certains athlètes qui ont déjà connu les jeux, c’est le top... Même si pour nous, footballeuses, la coupe du monde conserve un attrait particulier.
Camille ABILY : aux JO, vous représentez vraiment la nation, vous allez chercher des médailles pour l’équipe de France dans sa globalité. Ainsi, on espère apporter notre pierre à l’édifice en terminant sur le podium. Nous avons déjà eu la chance de disputer l’une des plus belles coupes du monde de l’histoire du foot féminin, l’année dernière. Les stades étaient pleins. Et, d’après les échos que l’on a, il y aura aussi beaucoup l’engouement à Londres ! On a hâte de découvrir ça.

Les médias s’intéressent de plus en plus à cette équipe de France féminine qui évoluait dans l’anonymat il n’y a pas si longtemps que cela…
S.B. : les choses ont évolué dans le bon sens, c'est vrai. On en a vraiment eu conscience lors du dernier mondial, qui a aussi coïncidé avec la trêve masculine et donc une actualité assez maigre. Du coup, les gens ont davantage suivi notre parcours. Au-delà des résultats, je pense qu’ils ont été sensibles au fait que l’on vivait bien ensemble et que l'on affichait certaines valeurs. On ne se prenait pas la tête, on se faisait plaisir sur le terrain... Tout cela a joué en notre faveur, surtout un an après ce qui s’était passé en Afrique du Sud avec les garçons ! Les gens ont retrouvé un peu de fraicheur et une équipe de France telle qu’ils aiment la voir. A nous de poursuivre dans cette voie.

Peut-on parler d’un avant et d’un après Mondial 2011 en ce qui concerne l’impact que peut désormais avoir le football féminin sur le public français ?
C.A. : oui, cette compétition a permis à bon nombre de personnes de découvrir ou redécouvrir la discipline. Notre quart de finale contre l’Angleterre (victoire aux tirs au but 4-3, ndlr) a suscité beaucoup de joie et de passion. Ce match a incontestablement marqué les esprits. Cette année, nous avons la chance d’enchaîner avec les jeux. En cas de bons résultats, on peut espérer profiter d’une effervescence comparable, voire plus importante encore.

Vous êtes d’accord si l’on vous dit que vous êtes la première génération de joueuses à bénéficier d’une telle couverture médiatique ?
C.A. : il y a quand même eu avant nous l’équipe de France de Marinette Pichon...
S.B. (s'adressant à Camille Abily, NDLR) : oui, mais ça se cantonnait seulement à une ou deux joueuses. On peut citer également Corinne Diacre. Or, aujourd'hui, c’est le groupe dans son ensemble qui est médiatisé.

"En France, en plus d’être de bonnes joueuses, il faut aussi être de belles femmes"

Auriez-vous imaginé un jour une telle ferveur, il y a 10 ou 15 ans en arrière ?
S.B. : honnêtement non... Car en France, en plus d’être de bonnes joueuses, il faut aussi être de belles femmes ! Il y avait jusque-là pas mal d'à priori dans ce domaine. Heureusement, pendant la coupe du monde, les gens ont pu constater que l’équipe de France était vraiment féminine, que les joueuses étaient élégantes.

Cette image esthétique que vous renvoyez est si importante que cela ?
C.A. : oui... Le football féminin a longtemps été considéré comme un sport de garçons manqués, où les filles ont les cheveux courts et ne sont pas gracieuses... Là, les gens ont découvert autre chose en visionnant les Bleues mais aussi l’Olympique Lyonnais, championne d’Europe en titre. Nous avons montré que nous étions des femmes avant tout.
S.B. : pour les mamans notamment, cet aspect est très important. Depuis le Mondial, elles sont devenues moins réticentes à l'idée d'inscrire leur fille dans un club. Leur regard a changé.

Justement, comment votre entourage a réagi lorsque vous avez fait le choix, à l'époque, de commencer à jouer au football ?
S.B. : je viens d’une famille d'origine portugaise, marquée donc par une mentalité très macho... Mais bizarrement, mon père a toujours voulu que je joue au foot, ce qui n’était pas le cas de ma mère en revanche. J’étais sa seule fille et elle ne souhaitait pas que je devienne un garçon manqué. Pour lui faire plaisir, j’ai alors essayé le tennis, le tennis de table, et le badminton. Mais je n’ai jamais trop apprécié les sports individuels... J’ai fait l’effort, mais je suis vite revenue au foot (rires). Elle a fini par le comprendre et m’a depuis toujours soutenu.
C.A. : en ce qui me concerne, il n’y a jamais eu de problème. Mon père et mon frère jouaient au foot. Je suis la petite dernière de la famille qui voulait suivre l’exemple... Ma mère ne s’y est jamais opposée.

Abily-Bompastor, le duo a pris son envol à Lyon...
Abily-Bompastor, le duo a pris son envol à Lyon...
Vous avez débuté en mixité ?
C.A. : oui, jusqu’à l’âge de 14 ans.
S.B. : je suis également passée par-là.

N’est-ce pas compliqué d’intégrer un groupe de garçons lorsqu'on est une petite fille ?
C.A. : pour ma part, non. Je jouais avec mes copains de classe dans un petit village près de Rennes. Tout se passait bien. C’était plus du côté des adversaires qu’il y avait quelques remarques moqueuses ! Ils pensaient généralement que le match serait facile, mais s’apercevaient assez vite que ce serait plus compliqué que prévu (rires).
S.B. : mon vécu est assez comparable. Je jouais avec mes amis, et j’étais leur "chouchoute" en quelque sorte. Par contre, je peux comprendre que ce ne soit pas évident pour certaines filles, notamment celles qui n’ont pas un niveau de jeu suffisant pour pouvoir rivaliser. Faire face aux moqueries est quelque chose de difficile. Souvent d’ailleurs, elles finissent par arrêter le foot.

Adolescente, vous étiez fan de footballeurs ou de footballeuses ?
S.B. : je n’avais pas trop de références chez les filles… Quand j’ai commencé en mixité, je ne savais même qu’il existait des équipes féminines ! Ce n'est qu'à partir de 12 ans, lorsque j’ai rejoint un club exclusivement féminin, que j’ai pris conscience de l'existence d'un football d'élite pour les filles, mais sans pour autant m’y intéresser de près. Je suivais le football masculin. J’appréciais particulièrement Chris Waddle, puis Juninho, et Zidane bien sûr...
C.A. : jusqu’à l’âge de 14 ans, j’étais moi-même loin d’imaginer qu’il y avait une équipe de France féminine ! Mes modèles étaient également masculins. J’aimais beaucoup Djorkaeff et Zidane. J’avais 13 ans quand la France a été sacrée championne du monde.

Les équipes 100% féminines ne sont pas encore suffisamment nombreuses en France. Or, il n’y a pas d’élite durable sans un football de base solide. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
C.A. : à l’OL, les filles ont la chance de pouvoir jouer entre elles, des poussines jusqu'aux seniors, avec un encadrement de qualité. Les petites et les adolescentes évoluent néanmoins dans un championnat masculin. Ce n'est pas un mal, car ça les oblige à hisser leur niveau de jeu et d'engagement, à rivaliser sur le plan de la combativité et des contacts. Mais pour répondre précisément à la question, je milite beaucoup pour le développement d'un football de masse féminin. C'est indispensable.
S.B. : pour compléter les propos de Camille, je dirais qu’il est aberrant qu’il n’y ait que 60 000 licenciées en France, quand il y en a plus d’un million en Allemagne ! On peut faire beaucoup mieux. Et cela passe par l’initiation à l’école, où l’enseignement du football est encore trop rare. Il apparait essentiel d’ancrer le foot féminin dans les mentalités dès le plus jeune âge pour qu’il connaisse un développement conséquent.

"Dans un groupe de garçons, quand un problème est réglé, on passe vite à autre chose. Les filles sont moins directes, plus rancunières…"

Comment expliquez-vous ce déficit qui perdure au niveau du football de masse chez les filles ? Est-ce d’ordre structurel ? Culturel ?
S.B. : les structures, on les a... Et puis le président de la FFF, Noël Le Graët, encourage beaucoup le football féminin. Il incite d'ailleurs tous les clubs pros à créer leur propre section. Et pour cause, des affiches OM-PSG ou OM-Lyon, par exemple, auraient un impact positif dans l’imaginaire des jeunes filles. Bref, les infrastructures et la volonté ne manquent pas. Après, d'un point de vue culturel, on avance, on l'a dit, mais il y a encore un pas à franchir en comparaison d’autres nations.

A commencer par les Etats-Unis, pays référence en matière de foot féminin, où vous avez évolué toutes les deux (Camille Abily a porté les couleurs de Los Angeles Sol en 2009, et du FC Gold Pride en 2010, tandis que Sonia Bompastor a joué aux Washington Freedom en 2009-2010)…
C.A. : c'est sûr. Les mentalités ne sont pas du tout les mêmes. A la base, le soccer est essentiellement féminin aux Etats-Unis ! Les premières fois où je suis allée me balader dans les parcs, j'étais étonnée de voir autant de petites filles en tenue, ballon à la main, prêtes à jouer. C’est une habitude chez eux.
S.B. : les Américains sont beaucoup moins dans le jugement que nous. Ils ne prêtent guère attention à l’apparence ou à l’esthétique de la joueuse. Par ailleurs, le sport universitaire est presque aussi réputé que le sport professionnel. Ainsi, les matches de foot féminin entre universités sont télévisés ! Et puis il y a tellement de sports pour les garçons, le basket, le football américain, le base-ball, etc… que le soccer a toujours été traditionnellement un sport à connotation féminine.

Et sur le plan de l’encadrement, estimez-vous que la France est à la hauteur de ses pays rivaux ?
C.A. : là aussi, nous progressons. De plus en plus d’anciennes joueuses se forment et intègrent le circuit pour transmettre tout ce qu’elles ont appris durant leur carrière. Et nous n’en sommes qu’au début...
S.B. : il y a aussi de plus en plus d’hommes qui s’intéressent aux équipes féminines. Même si je n’ai pas encore d’expérience de coach, je pense que gérer un groupe de filles présente un certain nombre d'avantages, et notamment le fait qu’elles soient généralement plus à l’écoute, un peu comme à l’école en somme (sourire).

...après s'être formé à Montpellier.
...après s'être formé à Montpellier.
Beaucoup d’éducateurs qui entraînent des filles affirment retrouver le football d’il y a 15 ou 20 ans, avec un public plus attentif en effet, avec lequel il est donc plus facile et agréable de travailler…
S.B. : cela ne m'étonne pas. Dans le cadre du DEF et du DEPF, les stagiaires demandent de plus en plus à animer des séances de filles, en raison de leur application, de leur réactivité, et de leur qualité d’écoute... Les garçons, au même âge, sont plus dispersés.
C.A. : par contre, quand une fille ne comprend pas, elle ne lâche pas l’affaire (sic). Il faut que l'exercice ait du sens pour elle. L’éducateur a donc plutôt intérêt à bien connaître son sujet. Il doit être pointu et exigeant. S’il arrive à l’entraînement en dilettante, les joueuses vont vite le remarquer et la situation risque de lui échapper…

Le fait que les filles soient davantage attentives et en quête de sens à l'entraînement, notamment dans la compréhension du travail tactique, revient-il à dire qu'elles sont moins obnubilées par les "jeux", comme c'est le cas chez les garçons ?
S.B. : non, je pense que nous aimons autant les jeux... A mon avis, il est possible de créer des exercices à la fois tactique et ludique. Combiner les deux me semble être la meilleure solution.
C.A. : personnellement, j'adore les jeux, et je suis frustrée quand il n’y en a pas en fin de séance ! On peut travailler tactiquement en ayant recours à des jeux à thème. Je pense d’ailleurs que c'est le meilleur moyen de faire réfléchir les joueuses, de les mettre dans des situations d'échec afin qu'elles trouvent la solution par elles-mêmes.

Certains techniciens déclarent par ailleurs que la gestion d'une équipe féminine peut être rendue difficile, en revanche, par la formation de clans au sein du vestiaire, moins répandue chez les hommes... Quel est votre avis sur le sujet ?
S.B. : c'est sûrement vrai. Par nature, les femmes fonctionnent de manière moins directe que les hommes, sont plus rancunières. Dans un groupe de garçons, quand un problème est réglé, on passe vite à autre chose. Les filles préfèrent, quant à elles, encaisser et discuter plus tard en petit comité. Cela peut influencer certaines joueuses à prendre parti, et donc entraîner, volontairement ou pas, la formation de petits groupes parfois malsains. Il est même possible que certaines querelles surviennent alors que le problème date de quelques semaines en arrière.
C.A. : je ne sais pas trop comment ça se passe chez les garçons. Mais les filles me semblent moins franches et honnêtes entre elles. Les choses sont souvent dites dans le dos, alors que chez les garçons un bon coup de gueule suffit et c’est terminé.

"Chez les filles, il y a des phases de jeu qu’on ne retrouve quasiment plus chez les garçons"

Plus généralement, pensez-vous que la gestion d'une équipe féminine requiert, de la part de l'éducateur, davantage de compétences en matière de psychologie eu égard à la sensibilité et l’émotivité plus prononcées chez les femmes ?
S.B. : d’après ce que je perçois en tant que joueuse, un entraîneur qui gère un groupe féminin doit avant tout être droit, honnête, et ne pas déroger à sa ligne de conduite. Après, s'agissant de la sensibilité plus prononcée chez les femmes, le coach doit peut-être se montrer un peu plus attentif à certaines choses. Les femmes apprécient quand l’entraîneur prend le temps de discuter, d’échanger et d’expliquer.
C.A. : il est évident que les filles sont plus sensibles et affectives. Avec certaines, il faut prendre des pincettes... Ceci dit, au haut niveau, j'ai connu des coachs qui géraient les filles comme les garçons, et ça n'a posé aucun problème.

D'après votre expérience, préférez-vous être dirigées par un homme ou par une femme ?
S.B. : moi, je préfère être coaché par un homme. Je trouve qu’un entraîneur a plus de poigne et fait moins de sentiments. Or, j’ai besoin qu’on pique un peu mon orgueil de temps en temps pour être performante.
C.A. : pour ma part, à partir du moment où j’adhère au fonctionnement, peu importe le fait que ce soit un homme ou une femme. L'essentiel est que l’entraîneur soit franc et droit.

Un mot sur votre reconversion. Vous passez toutes les deux vos diplômes à d'entraîneur à l'heure actuelle. Dans quel but ?
C.A. : je n’ai que 27 ans, donc encore du temps devant moi, mais ça va venir vite. Je souhaite passer mon BE2, car j’aimerais m’occuper de jeunes joueuses à l’avenir, dans une école de foot ou un pôle espoir, pour transmettre tout ce que j’ai pu apprendre en France et à l'étranger.
S.B. : pour moi, la fin approche plus rapidement (31 ans, NDLR). Je me donne encore un an. Après quoi, j’aimerais intégrer un staff dans un club de première division féminine en tant qu’adjointe. J’aime la compétition, le haut niveau...

Dans le cadre de vos stages de formation en vue d'obtenir un diplôme, qu'est-ce qui vous apparaît le plus difficile ?
S.B. : sans hésiter, le management des joueurs. Un groupe est composé d'individualités avec des caractères parfois très différents. Et, malgré cela, il faut réussir à faire en sorte que tout le monde cohabite ensemble ! Le projet de vie d’un groupe est essentiel. Or, c’est un domaine complexe, qui nécessite donc de connaître minutieusement chaque joueur ou joueuse afin d'espérer en tirer le meilleur.
C.A. : c’est aussi mon point de vue. Pour tout ce qui concerne l'organisation et la conception des entrainements, je m'appuie beaucoup sur mon vécu de joueuse.
Demi-finalistes de la coupe du monde, les Bleues joueront une médaille cet été à Londres.
Demi-finalistes de la coupe du monde, les Bleues joueront une médaille cet été à Londres.

Bien souvent dans les clubs, on cantonne les éducatrices à un rôle au sein de l'école de foot, où dans l'imaginaire des enfants, elles prennent un peu la place de la maîtrisse à l'école. Ceci dit, on commence à voir quelques femmes diriger des garçons en U15, en U17, voire même des seniors ! Cela ne vous tente pas ?
C.A. : pour l'heure, je ne me pose pas la question. Mais pourquoi pas ?
S.B. : dans un premier temps, je pense que je serai plus compétente en restant dans le foot féminin, un environnement que je maîtrise bien. Par la suite, je crois au binôme homme/femme à la tête d’un groupe masculin. Cela peut être véritablement productif et ça ne me fait pas peur.

Quelles sont vos références aujourd'hui en matière d'entraîneur ou de style d'entraînement ?
S.B. : je citerais Gérard Prêcheur, mon entraîneur à Clairefontaine pendant 4 ans lorsque j'étais en formation. Si je suis la joueuse que je suis devenue aujourd'hui, c'est grâce à lui. Techniquement, tactiquement, physiquement, mentalement, il m'a tout appris ! Nous avions à peu près 180 séances à l'année et pas une seule était pareille... La classe ! Sinon, au haut niveau, j'adore les coachs qui ont une réelle envie de produire du jeu. Le Barça de Guardiola est pour moi, de ce point de vue-là, un exemple à suivre. J’apprécie également Arsène Wenger.
C.A. : Gérard Prêcheur également! C'est vraiment l'entraîneur qui m'a fait le plus progresser. Il était très exigeant et très compétent. En l’espace de 4 ans, on n'a jamais fait la même séance, c'est vrai ! Par ailleurs, même si je ne les ai jamais côtoyés, j’apprécie Christian Gourcuff et Arsène Wenger pour leur vision du football basé sur la technique et le mouvement.

Avez-vous le sentiment que la façon de jouer des femmes au haut niveau épouse l'évolution du jeu chez les hommes ?
C.A. : je pense qu’il y a des similitudes. Après, nous avons un jeu peut-être plus ouvert dans le sens où nous allons moins être dans le calcul du résultat. On ne va pas jouer à l’extérieur pour ramener un point, mais pour gagner. Alors, bien sûr, il y a moins de médias, moins d’enjeux économiques, donc moins de pression, mais le fait de s’identifier au jeu des garçons, via les matches télévisés, engendre l’existence de points communs.
S.B. : moi, je trouve que c’est différent. Les hommes sont plus puissants, plus rapides... Chez les filles, il y a des phases de jeu qu’on ne retrouve quasiment plus chez les garçons, comme les dédoublements sur les côtés, le jeu en triangle, les débordements suivis d’un centre... Les hommes ont une logique de résultats, et sont donc obligés d’attaquer plus directement, de moins conserver le ballon. Ils prennent moins leur temps. A l’extérieur, les équipes qui se déplacent ferment le jeu.

Par rapport à la manière dont vous avez été formées, qu'est-ce que vous souhaitez ne pas reproduire, changer, avec celles ou ceux qui seront sous vos ordres dans quelques années ?
S.B. : j'ai eu la chance comme je le disais précédemment, d'être passée par Clairefontaine et d'avoir eu Gérard Prêcheur en tant que formateur. Tout y était. Peut-être que par rapport à l'éloignement familial, il faut être encore plus attentif... Et aussi assurer les études scolaires, car chez les filles, le football ne permet pas de se mettre à l'abri financièrement.
C.A. : même si j'ai été moi-même comblée par ma formation à Clairefontaine, la seule petite chose que je changerais serait que j'incorporerais davantage la méthode globale à l'entraînement.

En définitive, quels conseils donneriez-vous à un homme qui s'apprête à entraîner pour la première fois des femmes ?
S.B. : je lui conseillerais d'être lui-même, de ne surtout pas se focaliser sur le fait qu'il entraîne des filles. C'est le même sport, la même discipline, que l'on entraîne des hommes ou des femmes. Et puis la compétence n'a pas de sexe... J'insisterais également sur le fait que les filles sont à la recherche de franchise, d'honnêteté, et veulent une ligne de conduite qui soit la même pour toutes. Il ne doit pas y avoir de passe-droit.
C.A. : ne pas changer sa méthode de travail, sa philosophie, et de ne pas faire de différence au sein du groupe. Les filles observent beaucoup plus que les garçons, elles remarquent tout ! De plus, elles parlent beaucoup entre elles. Par conséquent, si l'entraineur se contredit ou ne respecte pas une parole, elles le sauront de suite.

Et quels conseils pourriez-vous donner à une femme qui s'apprête à entraîner pour la première fois des hommes… ?
C.A. : je lui conseillerais d'avoir confiance en elle, et de prouver aux hommes qu'elle est capable de faire aussi bien.
S.B. : malheureusement, lorsque l'on est une femme et encore plus lorsqu'on prétend vouloir entraîner une équipe de football masculine, il faut sans cesse prouver ses compétences. Ainsi, la motivation et l'enthousiasme doivent être des éléments indispensables.

Propos recueillis par X.C. et J.G.

L'ITW VESTIAIRES - Camille ABILY-Sonia BOMPASTOR : "Joueur, entraîneur… la compétence n'a pas de sexe"
CAMILLE ABILY
Née le 5 décembre 1984 à Rennes
1,67 m
Poste : milieu
Parcours : Jeanne d'Arc Bruz (1990-94), FC Bruz (1994-99), Le Rheu (1999-2000), Stade Briochin (2000-01), La Roche ESOF (2001-02), CNFE Clairefontaine (2002-03), Montpellier (2003-06), Lyon (2006-09), Los Angeles, USA (2009), Paris SG (2009-10), Gold Pride, USA (2010), Lyon (depuis 2010).
Palmarès : championne de France (2004, 2005, 2007, 2008 et 2011, coupe de France 2006, 2008, Ligue des Champions 2011, champion USA 2010. Elue meilleure joueuse du championnat, trophée UNFP en 2006 et 2007.
Internationale, 95 sélections (23 buts)

L'ITW VESTIAIRES - Camille ABILY-Sonia BOMPASTOR : "Joueur, entraîneur… la compétence n'a pas de sexe"
SONIA BOMPASTOR
Née le 8 juin 1980 à Blois
1,62 m
Poste : latérale gauche
Parcours : US Mer (1988-92), US Thoury (1992-97), Tours (1997-2000), La Roche ESOF (2000-02), Montpellier (2002-06), Lyon (2006-09), Paris SG (2009-10), Washington Freedom, USA (2009-10), Lyon (depuis 2010).
Palmarès : championne de France 2004, 2005, 2007, 2008, 2009 et 2011. Challenge de France 2006 et 2008. Ligue des Champions 2011. Elue meilleure joueuse du championnat, trophée UNFP en 2004 et 2008.
Internationale, 145 sélections (17 buts)

Samedi 28 Avril 2012
Sebastien Duret

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