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Ligue des Champions – OL - Juventus : comment l’OL s’est-il fait bousculer au match aller ?

Pour son entrée en lice en Ligue des Championnes mercredi, l’Olympique Lyonnais a dû prendre son mal en patience pour finalement s’imposer sur le terrain de la Juventus (3-2). Retour sur la rencontre et le plan des Italiennes pour perturber le tenant du titre, avant le match retour ce mardi (19h00)



Karchaoui suivie de près par Bonansea (photo Juventus.com).
Karchaoui suivie de près par Bonansea (photo Juventus.com).
10 ans que l’OL n’avait pas été mené à la pause en Ligue des Championnes. Ou encore qu’il n’avait pas encaissé un but contre son camp. Au Juventus Stadium mercredi, les Lyonnaises ont vu plusieurs de leurs séries dans l’épreuve reine se briser pendant que certaines de leurs failles, entrevues durant la saison, se sont révélées au grand jour. Car malgré leur victoire, leur déplacement en Italie s’est avéré plus ardu qu’attendu.

Pour faire face au champion en titre, plutôt placé dans un 4-2-3-1 modulable, la Juventus avait décidé de conserver son 4-3-3 habituel. Mais pour contenir l’armada en face d’elle, la Vieille Dame a cependant adapté certaines choses, notamment dans son entrejeu.

Une hyper densité pour verrouiller le milieu

Malgré l’absence de la précieuse Pedersen au milieu (positive à la Covid-19), remplacée par Caruso, l’équipe italienne a tenu à densifier l’axe du terrain. Un 4-3-3 qui vire au 4-5-1 en phase défensive avec un objectif simple : bloquer les relais lyonnais au milieu pour forcer son adversaire à passer sur les ailes et à centrer. Une tactique similaire à celle tentée par plusieurs clubs face à l’OL depuis le début de saison, dont notamment Bordeaux qui avait bien gêné Lyon dans sa construction offensive.
À gauche le bloc de la Juventus, hyper compact avec 9 joueuses dans l’axe. À droite, la stratégie similaire employée par Bordeaux lors de la J3, avec 7 joueuses resserrées.
À gauche le bloc de la Juventus, hyper compact avec 9 joueuses dans l’axe. À droite, la stratégie similaire employée par Bordeaux lors de la J3, avec 7 joueuses resserrées.

Cette densité est accompagnée quasi systématiquement d’un pressing sur la porteuse du ballon toujours compensée par une autre coéquipière. Ce plan défensif permet deux choses : briser le jeu en triangle voulu par l’OL et ouvrir l’espace derrière les arrières latérales adverses, ces dernières étant tentées de monter pour donner une solution sur l’aile et venir aider à trouver une ouverture.

Sur les images ci-dessous, on voit ce principe se mettre en place. Sur la première, Karchaoui, venue aider sur l’aile, sert Majri (trait en pointillés) qui se retrouve tout de suite pressée par Hyyrynen afin de ne pas pouvoir se retourner pour servir Parris. Obligée de rejouer vers l’arrière pour Karchaoui, elle tente ensuite d’appeler la profondeur sur l’aile. Parris est servie dans l’entrejeu mais ne peut remettre vers la numéro 7 lyonnaise, Hyyrynen pressant de nouveau pour fermer la ligne de passe.
L’OL a vu son jeu en triangle et d’appui-remise fortement perturbé par la Juventus durant toute la rencontre.
L’OL a vu son jeu en triangle et d’appui-remise fortement perturbé par la Juventus durant toute la rencontre.

Karchaoui et Majri finissent simplement par jouer entre elles sur l’aile, la seconde centrant comme elle peut (image ci-dessous). Mais la Juventus contrôle la zone de réception par un marquage individuel, en plus d’avoir la supériorité physique dans chaque potentiel duel. Preuve de cette volonté de forcer l’OL à jouer sur les ailes et à centrer durant le match, le nombre de croisements tentées par les visiteuses : 19 en tout pour seulement 5 réussis et un seul qui s’est conclu par un tir. Un chiffre qui s’est effondré dans le second acte (6 tentés pour 0 réussi), Lyon essayant alors de trouver d’autres solutions.
La Juventus garde le contrôle de sa surface, Giuliani n’hésitant pas en prime à sortir de sa ligne si nécessaire.
La Juventus garde le contrôle de sa surface, Giuliani n’hésitant pas en prime à sortir de sa ligne si nécessaire.

Offensivement, un jeu de contre-attaque simple

Solides derrière, les locales profitent du fait d’aspirer les ailes pour pouvoir contre-attaquer. Que ce soit sur leur premier ou deuxième but, les joueuses de Rita Guarino profitent du vide laissé derrière Karchaoui et surtout Carpenter pour mettre en difficulté l’arrière garde lyonnaise. Leur position haute, pas toujours compensée par une milieu de terrain qui redescend en défense, expose fortement l’axe central Renard-Buchanan. D’autant qu’une joueuse poursuit toujours ses appels dans l’axe pour fixer (comme Caruso à droite ci-dessous), empêchant donc l’une des deux centrales lyonnaises de dézoner pour venir aider sur l’aile.
Sur le premier but (à gauche), Karchaoui tarde à se replacer et laisse une opportunité de centre. À l’opposé, Hurtig surprend Carpenter dans son dos pour conclure. Rebelote sur le deuxième but (à droite), avec l’arrière droite lyonnaise en retard qui laisse la porte ouverte à Hurtig.
Sur le premier but (à gauche), Karchaoui tarde à se replacer et laisse une opportunité de centre. À l’opposé, Hurtig surprend Carpenter dans son dos pour conclure. Rebelote sur le deuxième but (à droite), avec l’arrière droite lyonnaise en retard qui laisse la porte ouverte à Hurtig.

Cela reste l’un des points faibles de l’animation d’un 4-2-3-1 en football, bien exploité ici. Le travail et le repli défensif sur les ailes devient capital pour éviter de se faire prendre à revers, les ailières devant alors fournir des efforts physiques conséquents afin d’être présentes offensivement et défensivement.

En plus des contre-attaques, les Italiennes tentent par ailleurs sur les attaques placées de sauter le milieu lyonnais pour trouver Bonansea ou Hurtig sur les ailes. Mais sans la même efficacité, le bloc lyonnais étant alors en place. Une stratégie simple de la part des Italiennes qui leur a permis de trouver deux fois la faille malgré une production offensive limitée (6 tirs dont 2 cadrés pour 0,87 xG*).

L’OL est parvenu à répondre au défi

Face à ce plan de la Juventus très bien exécuté, les joueuses de Jean-Luc Vasseur ont peiné à trouver des solutions efficaces sur la durée. Mais elles ont su par séquences se sortir du piège tendu par leur adversaire. Offensivement tout d’abord en accélérant leur jeu et en variant le rythme. Sur la situation amenant au penalty de l’égalisation, le jeu en une touche entre Majri et Gunnarsdóttir permet d’effacer le pressing d’Hyyrynen, Karchaoui appelant intelligemment le ballon dans le dos de Bonansea. Cette dernière se retrouve obligée de faire faute sur l’arrière lyonnaise qui filait au but.
Le jeu en une touche précis des Lyonnaises, conjugué à une bonne coordination, permet de percer le mur italien.
Le jeu en une touche précis des Lyonnaises, conjugué à une bonne coordination, permet de percer le mur italien.

En prime, l’OL a su profiter en seconde période de la baisse de forme de son opposant pour dominer encore plus la partie, confisquant au maximum le ballon (65% de possession sur la rencontre). Les entrées successives de Malard et Cayman sont venues en prime apporter plus de dynamisme dans le jeu lyonnais face à une Juventus moins pressante et qui commence à être moins précise dans ses placements.

La joueuse belge notamment vient se placer plus souvent dans le demi-espace**, comme a pu le faire également Majri à l’opposé de temps à autre, pour tenter de briser la densité italienne. Un placement décisif sur les deux derniers buts du club français. À chaque fois, Caruso ferme mal la ligne de passe et permet à Buchanan de trouver Cayman entre les lignes. Le pressing de la paire Boattin-Sembrant s’actionne mais sans succès, la première se retrouvant prise de court sur les deux situations et laissant la seconde fortement exposée.
L’action menant au troisième but lyonnais. Cayman est trouvée dans le demi-espace (en rouge) et fait sortir Boattin de sa zone (à gauche), permettant ensuite à Marozsan de la trouver de nouveau sur un ballon en profondeur (à droite).
L’action menant au troisième but lyonnais. Cayman est trouvée dans le demi-espace (en rouge) et fait sortir Boattin de sa zone (à gauche), permettant ensuite à Marozsan de la trouver de nouveau sur un ballon en profondeur (à droite).

Quant aux errements défensifs, Lyon a résolu la majorité de ses problèmes en seconde. Kumagai et Gunnarsdóttir n’ont pas hésité à redescendre à tour de rôle près de la défense centrale pour pouvoir mieux couvrir la largeur. En prime, les montées de Carpenter et Karchaoui ont été plus raisonnables, laissant par conséquent bien moins d’espace à la Vieille Dame pour attaquer (2 tirs dont 0 cadré en seconde période pour la Juventus).

Un match retour sur les mêmes bases ?

Malgré une prestation plus solide dans le second acte, il s’en est donc fallu de peu pour que les Lyonnaises repartent d’Italie sans une victoire dans leur valise. Fortement perturbées par le plan taillé par les Italiennes tout au long de la rencontre, elles ont dû faire face aux mêmes problèmes qu’elles ont déjà pu rencontrer cette saison en D1, aussi bien dans la variation de leur jeu offensif que dans les failles potentielles laissées par moment en défense.

De quoi s’attendre à un match retour similaire ? La Juventus pourrait être tentée d’appliquer de nouveau son plan, tant les buts qu’elle a encaissé se sont joués à peu de choses, notamment le troisième conclu à la suite d’un cafouillage dans la surface. Mais l’OL a cette fois l’avantage de le connaître et pourra donc corriger ses erreurs d’entrée de jeu. Reste à savoir si les joueuses de Rita Guarino seront une nouvelle fois capables de surprendre celles de Jean-Luc Vasseur.

Toutes les statistiques de cet article sont fournies par notre partenaire InStat Football : https://instatsport.com

*xG : Expected Goals, soit le nombre de buts que l’équipe aurait dû marquer en fonction de la probabilité que ses tirs se transforment en buts (calculée grâce à divers facteurs).

**Half-space, soit le demi-espace. Si on divise le terrain en cinq dans la longueur, ce sont les deux bandes situées entre l’arrière latérale et la défenseure centrale d’une équipe. Une position où se placent souvent les joueuses en football, permettant par exemple de jouer en appui avec une coéquipière qui serait dans l’axe.

Mardi 15 Décembre 2020
Daniel Marques

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