Footofeminin.fr : le football au féminin
Footofeminin.fr

Footofeminin.fr : le football au féminin

Coupe du Monde - Six coachs de D1 donnent leur opinion sur la compétition et les Bleues, un mois après la finale

Plusieurs entraîneurs sont revenus sur la Coupe du Monde 2023, la victoire espagnole, les surprises, le parcours des Bleues et la projection sur les Jeux Olympiques.



La déception de Sakina Karchaoui après l'élimination face à l'Australie (photo FFF)
La déception de Sakina Karchaoui après l'élimination face à l'Australie (photo FFF)
Éliminées en quart de finale, les Bleues n'ont pas fait mieux que lors des dernières Coupes du Monde, et seule la participation en 2011 a à ce jour permis d'atteindre le dernier carré. Avec un nouveau staff qui n'a pas eu beaucoup de temps pour se préparer et qui a dû faire face à des blessures de longue durée, il faut relativiser pour l'entraîneur dijonnais Sébastien Joseph : "Il faut quand même pas oublier que l'équipe de France avait des absences importantes. Au vu du parcours, on peut toujours se dire que cela aurait été bien d'aller chercher une demi-finale. L'équipe n'y arrive pas. Hervé (Renard) avait aussi besoin de situer un peu le niveau de la compétition internationale féminine et toutes ces choses qu'il va appréhender maintenant lui permettront je l'espère d'être plus performant l'année prochaine".

Fabrice Abriel abonde dans le même sens. "Au moment où il a repris l'équipe, quand on va vu les favoris sortir, on se disait... au final, on est sorti par l'Australie. Il faut avoir la tête froide et ne pas réagir par l'émotion. Au départ, c'était compliqué d'avoir une équipe. On ne savait pas si Diani allait être apte, comme on allait reconstituer ce groupe. Les deux premiers matchs se sont bien déroulés en avril. Après il y avait très peu de temps pour préparer et pour les reprendre le 20 juin. C'était assez court même si des gens avaient plus d'infos pour constituer un groupe" explique le technicien floriacumois.

Saïdi : "On a perdu de l'énergie à devoir répondre dans l'impact"

Certains de leurs homologues évoquent néanmoins des points sur lesquels les Bleues auraient pu se mettre dans de meilleures dispositions : "J'ai trouvé que l'on avait mis dans le confort la Jamaïque, comme l'Australie. Ce n'est pas notre culture, notre jeu. On aurait dû être en capacité de les mettre en difficulté dans l'intensité relationnelle plutôt que chercher de répondre par l'impact qui n'est pas l'une des grandes forces de l'équipe de France, même s'il y a des joueuses athlétiques. On aurait dû mettre en place la stratégie d'évitement, plutôt que de l'impact. Au vu de la qualité technique, on était en capacité de le faire, de jouer plus vite. On a perdu de l'énergie à devoir répondre dans l'impact" analyse Rachel Saïdi qui a permis au LOSC de retrouver la D1 cette saison.

La Rémoise Amandine Miquel prend du recul avec un regard extérieur où on ne peut pas tout connaître de l'extérieur : "Je n'ai pas les réponses, on ne m'a pas demandé d'aides (sourire). Le poste de sélectionneur est un poste complexe. Il y a du choix, est-ce que cela se limite au terrain, est-ce que cela n'est pas plus profond. Le mal est peut-être sur le développement du football féminin en France. On a tendance à regarder le point final, le coach et les joueuses. Il faut peut-être regarder en amont" souligne celle qui a pu observer dans plusieurs pays le travail effectué pour permettre à des sélections comme l'Angleterre de briller aujourd'hui.

Soubeyrand : "L'Espagne a une philosophie et une vraie cohérence"

Gilles Fouache avec "ses" gardiennes (photo FFF)
Gilles Fouache avec "ses" gardiennes (photo FFF)
C'est également avec son vécu de responsable des sélections jeunes féminines que Sandrine Soubeyrand émet un avis plus précis en comparant les performances de l'Espagne. "C'est une nation qui travaille chez les jeunes. J'ai travaillé à la Fédération et on les a suivies. J'aime la philosophie en matière de sélections (U16, U17, U19, U20, A). Le modèle est identique, il y a une vraie philosophie, une vraie cohérence. J'ai pas mal étudié l'Espagne avec les U17, j'y étais confrontée. En étant responsable des sélections, j'ai vu le travail. Nous, on travaille très bien en France, mais ils ont quand même un temps d'avance sur le jeu de l'équipe. En France, ce qui fait leur force, c'est plutôt les qualités individuelles des joueuses, eux, ont un vrai jeu d'équipe dès les U16 qu'ils font grandir."

La solidité du collectif plutôt que la force individuelle qui permet de perdurer dans toutes les générations pour Sandrine Soubeyrand. "On est plus mature sur le plan athlétique que ces nations sur ces catégories-là et du coup, on arrive quand on a 4-5-6 bonnes joueuses, comme par exemple la génération 96 et la 97, on a fait plein de finales, on a gagné des championnats d'Europe, des demi-finales de Coupe du Monde. C'est toujours un peu aléatoire en fonction de la qualité d'une génération alors qu'eux sur une génération, ils arrivent à faire jouer leur équipe d'une certaine façon, elles ont des camps d'entraînement, s'entraînent ensemble, une philosophie et une vraie cohérence sur les staffs". Au delà des joueuses, c'est l'encadrement qui est réalisé avec cohérence ajoute la coach du Paris FC : "Le numéro 1 est l'adjoint sur la sélection du dessus. Il y a un principe où l'on avance dans les sélections, si l'un est remercié, c'est celui qui était en dessous qui monte. Il y a une vraie cohérence, une vraie synergie de travail. Chacun a ses caractéristiques, ses spécificités mais je ne suis pas étonné qu'à un moment, cela matche chez les A. Si on regarde bien, depuis 2014, elles ont été dans les demi-finales, en finale des championnats d'Europe presque 3 fois sur 4. A la Coupe du Monde U17 ou U20, c'est pareil".

Prêcheur : "Les résultats ont été d'une cohérence extrême"

Les performances espagnole ou anglaise n'ont pas surpris non plus Gérard Prêcheur qui y voit un prolongement des derniers résultats sur le plan européen : "Je dirais qu'une chose. Les résultats ont été d'une cohérence extrême. En finale, on a l'Angleterre, champion d'Europe en titre. En face, l'Espagne qui est championne du Monde U20 et qui a l'équipe qui a gagné la Champions League. Concernant l'équipe de France, Lyon a été éliminé en quart de finale de la Champions League, le PSG quart de finale, l'équipe de France...quart de finale de la Coupe du Monde. Tout cela est cohérent" n'hésite pas à expliquer le coach du PSG. L'entraîneure rémoise Amandine Miquel est dans la même lignée mettant en avant la qualité des joueuses et du collectif indépendamment du staff : "L'Espagne, après plusieurs titres en jeunes, il gagne la Champions League avec Barcelone et la Coupe du Monde malgré une énorme mésentente avec le staff. Cela prouve que s'il y a une entente entre les joueuses, cela n'est pas bloquant un désaccord avec le staff. C'est ralentissant mais ce n'est pas bloquant. Ce qui est bloquant, c'est une mésentente entre joueuses et entre le staff, d'avoir trois groupes. Quand c'est deux fronts séparés cela peut marcher".

Pour Fabrice Abriel, il faut bien analyser ce qui s'est produit au sein du groupe des Bleues à la Coupe du Monde mais ne pas rester fermé : "Il y a des sélections qui ont beaucoup travaillé depuis des années avec des clubs que l'on retrouve en Ligue des Champions. C'est un indicateur et maintenant je pense que l'on a un groupe, malgré l'inexpérience, le fait que l'on n'ait pas eu le temps de travail de façon aboutie sur 2 à 3 ans, on peut aller chercher quelque chose. Il ne faut pas prendre toutes les joueuses de Lyon, du PSG pour accélérer les affinités. Il faut des connections. J'ai vu des choses se définir mais ensuite il faut juste faire le bon diagnostic, ne pas embellir, pas dans le négatif, juste on s’appuie sur cela et avec la Ligue des Nations on l’intègre. Ce sera une sélection pour faire une synthèse, un débrief" explique l'ancien joueur professionnel à propos de ce premier rendez-vous post-Coupe du Monde.

Abriel : "Avoir cette sensation que l'on est en train d'avancer"

Il faut désormais trouver la bonne osmose entre les clubs et la sélection. Sandrine Soubeyrand qui a connu le banc des sélections, et celui en club, argumente : "Le titre de l'Espagne, associé au travail des clubs, c'est normal. C'est un peu comme l'Angleterre. L'Angleterre, il performe un peu moins mais ils ont des générations depuis 96 qui s'empilent maintenant en A, associées à un travail de la Fédération qui fait que. On travaille bien en France, il manque un truc entre les clubs et la sélection. C'est une certitude car 80% du temps, elles sont en club, et 20% en sélections. Si on travaille bien en club, la sélection en bénéficie. Si la sélection passe des caps, quand elles reviennent, le club est aussi gagnant. Il manque un petit truc. Il faut continuer à travailler, on s'est fait passer un peu devant. On était en avance sur l'Espagne et l'Angleterre" regrette l'ancienne capitaine des Bleues. Fabrice Abriel ajoute : "Il faut chercher comment on peut les aider en restant à notre place. De quoi avez-vous besoin ?".

Si la Ligue des Nations arrive et peut permettre de se préparer, les Jeux Olympiques restent le seul moyen de gagner une récompense avec un premier trophée : "On a la chance d'avoir des JO qui ne sont pas trop loin de la Coupe du Monde (France 2019) et vivre deux événements en France pour une joueuse, c'est important. J'espère que l'on pourra passer cette étape. Les joueuses auraient mérité dans leur parcours de décrocher une médaille. Une médaille olympique, deuxième ou troisième, a plus de valeurs qu'une 2e ou 3e place en Coupe du Monde" souligne Sébastien Joseph. Pour y parvenir, comme a pu l'apprécier Gérard Prêcheur, il ne faudra pas se poser de questions : "Toute cette fraîcheur avec ces nouvelles nations pendant cette Coupe du Monde, j'ai cru revenir 25 ans en arrière quand j'ai découvert le football féminin. J'ai vu des nations jouer pour le maillot comme l'Argentine, ne rien calculer, par rapport à certaines nations plus expérimentées qui sont calculatrices, ne proposant pas de jeu..." faisant notamment allusion à l'Allemagne. Il faut aussi profiter du fait de recevoir pour vouloir briller conclut Fabrice Abriel : "Après, c'est au staff de tirer les bons enseignements pour avoir cette sensation que l'on est en train d'avancer pour les JO en France. Il faut être ambitieux. On est à domicile."

Vendredi 22 Septembre 2023
Sebastien Duret

Dans la même rubrique :